Deuxième Verdict

Hier soir, aux alentours de 21h00...

Dans l'autobus en direction de chez F, j'avais les mains moites et des brûlements d'estomac (signe de stress intense). C'est devenu moins pire lorsque je suis arrivé chez lui... on s'est installés collés sur le divan et on a écouté un film pour se changer les idées. Je sentais qu'il ne feelait pas non plus, mais il m'a dit que c'était à cause de sa journée qui avait été particulièrement pénible. Peu après minuit, nous nous sommes couchés. L'angoisse a recommencé...

Je me suis réveillé plein de fois. J'avais chaud, j'avais froid... Je n'arrêtais pas de me répèter «Ça n'arrive pas juste aux autres... toi aussi tu pourrais avoir le SIDA...». Puis huit heures à sonné. Je me suis levé pour prendre ma douche et déjeuner tandis que F dormait toujours, puis je suis allé m'étendre avec lui un petit quinze minutes avant de devoir partir. Lui travaillait ce matin, mais seulement à 11h00. Je l'ai quitté en l'embrassant, en lui souhaitant bonne journée et en tentant de lui faire un sourire assuré. Le CLSC étant situé à une quinzaine de minutes de chez lui, j'ai marché, mais je me sentais un peu zombi. J'avais l'impression d'être en mode automatique...

09h02...

Je suis arrivé au CLSC, je me suis annoncé et je suis allé attendre dans la salle. J'ai eu la tête complètement vide jusqu'à ce que je me rende compte qu'il était 9h16 et que personne ne m'avait appellé. J'attendais encore...

... et j'ai commencé à réfléchir. Je ne pouvais pas arrêter de penser au sida. Je me demandais quelle serait ma réaction s'il fallait que le médecin m'annonce que j'avais le sida. Comment j'étais supposé réagir ???

... Eh bien j'ai eu ma réponse quelques minutes plus tard.

09h35...

Médecin: Monsieur Chucky-Chuck ?

Oh shit... Je me suis senti figer. J'étais assis sur ma chaise raide et je fixais la médecin qui, elle, me regardait d'un oeil sévère. J'ai eu l'impression que mon coeur avait manqué quelques battements. Je me rappelle que la première chose que j'ai pensé en voyant la médecin me regarder d'un air aussi consterné, c'était qu'elle avait déjà regardé mon dossier et qu'elle savait que j'avais quelque chose.

Honnêtement, je ne sais même pas comment j'ai réussi à la suivre jusqu'à son bureau. J'avais tellement les jambes molles... J'avais juste envie de me laisser tomber par terre et de hurler.

Mais j'y suis arrivé. Nous sommes entrés dans son bureau, elle a refermé la porte et nous nous sommes assis sur ces chaises si inconfortables. Elle m'a encore lancé ce même regard sévère, le genre de regard qui fait peur. Elle a ouvert mon dossier juste un peu - pas assez pour que je puisse voir - puis l'a refermé en vitesse et m'a regardé du coin de l'oeil.

Médecin: Comment ça va aujourd'hui ?

Moi: Euh... ben... je... ça va dépendre de ce que vous allez me dire... hehe...

Médecin: Oh! Eh bien on va régler ça tout de suite: vous n'avez rien.

TRUIE!!! VACHE!!! SALOPE!!!!

Je suis CONVAINCU qu'elle a fait exprès de me stresser comme ça pour rien! Normalement je lui aurais probablement arraché la tête pour m'avoir fait aussi peur, mais la réaction que j'ai eue a été toute autre: je me suis envoyé la tête vers l'arrière en prenant une profonde inspiration et j'ai ressentit des picotements à partir de la poitrine jusqu'aux oreilles. Je crois que je n'avais jamais éprouvé un tel soulagement dans ma vie pour quoi que ce soit d'autre. Et à cause de cette réaction, j'ai su que si elle m'avait annoncé que j'avais le sida, j'aurais éclaté en sanglots.

Elle m'a ensuite donné mon vaccin contre l'hépatite B, puis je devais rester assis dans la salle une vingtaine de minutes, mais je n'y suis resté que dix puisque je ne voulais pas manquer mon autobus (je travaillais aussi à 11h00).

J'ai prévenu F, il était soulagé lui aussi. Pendant que j'étais dans l'autobus, je ressentais encore les picotements dans mon visage.

Fait ironique: en arrivant à mon travail, mon boss m'a regardé de haut en bas et m'a dit, sur un ton presque inquiet: «Chuck... ça va ?? T'as l'air malade...»

Moi (dans ma tête): Fuck you, estie!